Vous rappelez-vous du jour de tournage de cette émission ?

Mon carnet de vol indique que c'était le 28 avril 1984, en fin de matinée. Je me souviens que Philippe de Dieuleveult m'avait dit que cette émission était parmi les toutes dernières qui seraient enregistrées.

 

(la diffusion a eu lieu sur Antenne 2 le 18 novembre 1984)

Savez-vous pourquoi c'est la Gendarmerie Nationale qui a été sollicitée pour cette émission, et non pas une société privée ?

Je pense que dans cette région et à cette époque, il n'y avait pas trop le choix. C'était nous ou la Sécurité Civile ! Nous étions les plus près, basés à Tarbes avec l'Alouette 3 "JBP". Du reste, l'une des énigmes faisait intervenir un maître-chien gendarme qui est venu de Pierrefitte-Nestalas.

Pourquoi est-ce vous, en particulier, qui avez été choisi pour piloter dans cette émission ? Connaissiez-vous l’émission ? Y teniez-vous particulièrement ?

Là encore, il n'y avait pas trop le choix, j'étais le seul pilote à Tarbes ! C'est sûr que je connaissais l'émission, mais faire du cinéma ce n'est pas trop mon truc... J'avais déjà participé la même année à un tournage qui avait mobilisé 2 machines pendant 80 heures. C'est assez contraignant. Je m'étais aussi laissé dire qu'un officier serait certainement dans le studio à Paris pour vérifier que tout ce passait bien...

Cette émission a-t-elle également été tournée dans une version étrangère avec un autre animateur (anglais, italien, néerlandais, …) ?

Oui, il y a eu un tournage en version espagnole, la veille, le 27 avril 1984, en fin de matinée aussi. Philippe de Dieuleveult est arrivé après ce tournage, en fin d'après-midi, et nous avons dîné tous ensemble sur invitation de la mairie de Gavarnie. J'étais justement assis à côté de lui pour le dîner, et je me souviens qu'il m'avait déjà parlé de ses projets au Zaïre.

Le logo de 
"A LA CAZA
DEL TESORO"

D'où venait l'autre hélicoptère pour l'émission ?

L'Écureuil venait spécialement de Bayonne avec 2 pilotes dont le responsable du peloton. Il n'a servi que pour la deuxième émission en français avec Philippe de Dieuleveult, car il n'y avait que l'Alouette 3 pour la version espagnole.

Pour démarrer, nous étions près d'une bergerie, et je me souviens d'un détail qui m'avait beaucoup fait rire : Dans la version espagnole, le berger parle en français, alors que Miguel de La Quadra ne parlait pas beaucoup le français, mais pour la version française, le berger parle à Philippe de Dieuleveult en patois local, que Philippe ne comprend pas, alors que l'espagnol l'aurait parfaitement compris s'il avait parlé ainsi la veille. Je ne sais pas du tout si c'était voulu ! Moi, j'étais plié de voir ce dialogue de sourds, caché derrière le caméraman ! Je savais comment se déroulait l'émission, et qu'il y aurait un retour au studio qui nous permettrait de rejoindre les hélicos pour nous faire présenter au garde à vous devant les machines !

Les producteurs vous avaient-ils contacté pour la préparation de cette émission, bien avant le tournage ? Avaient-ils fait une reconnaissance aérienne des lieux, par exemple ?

Oui, nous avons fait un vol de reconnaissance le 18 avril 1984. Il n'y avait que le producteur (René Denis) et l'un de ses assistants. Il s'agissait surtout de vérifier que les 3 sites choisis pour les énigmes étaient joignables en 45 minutes. Le syndicat d'initiative avait également sollicité un survol de Gavarnie entre le point de départ et le lieu du premier trésor. Dans la version espagnole, nous sommes allés à Gavarnie car les candidats ne trouvaient rien dans leurs documentations pour résoudre la première énigme, mais dans la version française, j'ai fait un petit crochet car les candidats avaient très rapidement trouvé qu'il fallait aller au Vignemale.

Avez-vous d'autres souvenirs de ces repérages ?

Oui, toujours concernant la première énigme au Vignemale. Les producteurs ont bien vu qu'il était impossible que Miguel et Philippe trouvent l'entrée d'une grotte d'un mètre de haut au milieu de toutes ces montagnes enneigées. Il était donc convenu que je fasse 3 tours au dessus du Vignemale, et qu'au 3ème tour j'arrive face à la grotte pour que les animateurs ne puissent pas la louper ! Moi je ne devais rien dire et ils n'étaient au courant de rien... et tout s'est très bien passé, ils ont cru trouver eux-mêmes la grotte ! Je me suis posé à 8 mètres de l'entrée : On ne s'en rend pas bien compte à l'image, mais la lente progression dans la neige des animateurs pourraient laisser penser que c'était bien plus loin !

La version espagnole et la version française étaient-elles identiques ?

Les énigmes oui, mais la prestation de Miguel de la Quadra n'était pas celle de Philippe de Dieuleveult ! Philippe, par exemple, savait skier. Il a emmené son caméraman avec lui pour la 2ème énigme, tirant un traîneau en skiant et en suivant le chien guide. Mais l'animateur espagnol ne savait pas skier. Il est donc remonté dans l'hélico et on a suivi le chien en hélico, ce qui n'était pas pareil !

Aviez-vous répété cette séquence avec le chien d'avalanche ?

Non, ce n'était pas nécessaire car nous avions l'habitude de travailler avec le maître-chien et son berger allemand. Cette habitude imposait d'ailleurs que je redécolle très vite après avoir déposé les animateurs, en effet, le chien serait venu directement vers l'hélicoptère ! C'est d'ailleurs plus ou moins ce qui s'est passé, et, pour tout vous dire, c'est plutôt moi qui ai dirigé le chien avec l'hélicoptère dans la direction où était enseveli son maître !

Les conditions de tournage ne devaient pas être simples à cette altitude ?

Effectivement, il devait faire environ moins 6° à l'intérieur de l'hélico (on perd environ 6,5° de température tous les 1 000 mètres d'altitude, et nous étions environ à 3 000 mètres) et le caméraman a eu un petit incident technique lors du tournage de la version française, alors que l'émission était presque terminée, lors de la 3ème énigme. Nous arrivions à la brèche de Roland et la batterie de sa caméra a gelé ! Philippe a fait arrêter le chrono le temps de changer la batterie, et on a repris tout de suite après, cela a été très vite ! C'était épatant de voir comment on pouvait réussir une telle émission avec à peine 6 ou 7 personnes. Quand je pense que maintenant ils sont une trentaine pour l'émission avec Sylvain Augier !

C'est la seule difficulté que vous avez rencontrée ?

Non, nous avons eu aussi une surprise en arrivant au refuge des Sarradets avec Philippe pour le dernier trésor... C'est le toit du refuge qui nous sert de Drop Zone en hiver, mais il y avait 2 touristes qui étaient allongés dessus ! J'avais posé Miguel la veille sur le toit, mais pour Philippe, j'ai du utiliser la DZ d'été en contrebas pour ne pas attendre que les touristes s'en aillent !

Que pensez-vous de notre idée d’un site dédié à « La Chasse aux Trésors » et Philippe de Dieuleveult ?

Je n'ai pas Internet et je ne tiens pas trop à l'avoir ! J'ai l'impression qu'une fois que l'on se connecte on ne peut plus s'arrêter ! Je ne verrais donc pas le résultat de votre travail. En vérité, je pense à tous ceux qui ont participé à cette émission et qui ne sont plus là aujourd'hui : Philippe et Jean-Paul Le Fur bien sûr, mais aussi au maître-chien de la 2ème énigme, le gendarme Soubiron, qui est également décédé, 5 ans après le tournage, d'une crise cardiaque lors d'un entraînement, il s'est effondré sur son chien...

Roger Dathy a quitté la Gendarmerie Nationale il y a 15 ans, à 40 ans et avec 4 000 heures de vol. Il est membre fondateur de l'Amicale des Anciens des Formations Aériennes de la Gendarmerie. Il est maintenant responsable d'un parking dans les Pyrénées, région à laquelle il est resté attaché, bien qu'originaire de la Picardie. Ses souvenirs de "La Chasse aux trésors" sont manifestement intacts : « J'ai une très bonne mémoire visuelle, et je peux vous décrire chaque seconde des 2 émissions sans problème. J'ai une moins bonne mémoire des noms ! »

Après le tournage, Philippe avait demandé une faveur : Se faire photographier au cours d'un treuillage. Cela lui a été accordé par la hiérarchie de la Gendarmerie, et il a été photographié au cours d'un hélitreuillage sur la paroi des Sarradets.

 

Roger Dathy m'a encore raconté une ultime anecdote, faisant la passerelle entre l'émission d'hier et celle d'aujourd'hui : Il a un jour participé à un sauvetage au cours duquel il a rapatrié à l'hôpital de Tarbes un parapentiste accidenté qui avait les 2 jambes cassées... Ce parapentiste n'était autre que... Sylvain Augier !

 

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Témoignage recueilli en juillet 2005